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Dénombrement du comté de Foix

L’an 1672 et le 25 novembre, dans la ville de Pamiers, par devant Mr Pierre Darassus, avocat au parlement…., ont comparu les sieurs Pierre Blaja, consul, et François Miramont, députés de la ville de Daumazan, en vertu de la délibération du conseil du 22 courant.

Les députés ont fait les déclarations suivantes :

Etendue du consulat. – La ville de Daumazan, sise sur la rivière de l’Arise (2), est située dans le comté de Foix, Gaule Narbonnaise, régie par le droit écrit ; elle s’est toujours maintenue dans le privilège du franc alleu (3) roturier. De cette ville dépend un masage au hameau, dit le Barraqua (4). – La juridiction de Daumazan confronte au levant, les terres du Carla et de Campagne ; midi, les terres de Campagne, la ville et seigneurie de Montbrun ; couchant, Labastide-de-Besplas ; aquilon, Castex. Cette juridiction a de tous côtés demi-quart de lieue d’étendue ; elle contient deux mille sept cent quinze seterées de terre et deux cents maisons, environ.

Seigneurie. – Les habitants de Daumazan ont toujours reconnu le roi pour leur souverain seigneur justicier haut, moyen et bas. Messire François de Roquefort, seigneur de Viviès, est coseigneur haut, moyen et bas justicier en paréage avec sa Majesté, comme il le justifie par arrêt du Parlement de Toulouse. Le comte de Rabat et l’abbé de Calers (5) prétendent avoir quelque droit de directe dur la juridiction. Les consuls ne savent quels droits ils revendiquent, ni en quel lieu de la juridiction ils sont ; ils le déclarent seulement pour ne pas frustrer les droits de personne.

Consuls. – Il y a quatre consuls qui ne portent que le chaperon rouge et noir. Ils sont créés le dimanche avant la fête de Saint-Jean Baptiste selon la coutume. Les Consuls sortant choisissent huit hommes capables d’exercer la charge, les conseillers politiques donnent ensuite leurs suffrages à quatre de ces huit hommes qui sont nommés consuls. Ils ont chaque année l’entrée aux Etats du pays de Foix. Ils prêtent serment le jour de Saint-Jean Baptiste par devant le seigneur de Roquefort ou, en son absence, par devant le substitut du procureur du roi.

Justice. – Les consuls exercent la justice, assistés d’un assesseur au nom des coseigneurs. Ils ont la justice criminelle par prévention avec le sénéchal de Pamiers (6), et les appels vont au parlement de Toulouse. Les consuls ont la justice civile jusqu’à 3 livres 5 sols, et leurs appels ressortissent au sénéchal et présidial de Pamiers. Ils ont aussi la police.

Greffe. – Le greffe appartient au roi ou à ses fermiers ; il est affermé par an, 50 ou 60 sols. Il y a aussi un sceau aux armes du pays de Foix, dont se servent les consuls pour leurs actes judiciaires.

Baile. – Il y a un baile placé par les fermiers du roi, et qui exploite les actes de justice qui émanent tant de la cour des consuls que des autres cours. Les consuls ont un valet pour faire les criées et proclamations nécessaires.

Prisons. – Il n’y a pas de prison ; lorsqu’un malfaiteur est arrêté, les consuls l’enferment dans une des tours de la ville, qui est à un coin ; pour cela, ni eux, ni le baile, ne prennent aucun émolument.

Lods et ventes. – Les coseigneurs ou leurs fermiers prennent le droit de lods et ventes qui se paye, de douze un, par l’acquéreur, moitié moins pour les engagements, et pour l’argent du retour des échanges, sur le pied de douze, un. Ce droit entre les fermiers des coseigneurs.

Confiscation. – La confiscation se divise par moitié entre le roi et le seigneur paréager.

Bois et forêts. – Il n’y a qu’une brougue, appelée communément LaPlagne (7), d’une contenance de quatre vingt ou cent seterées environ. Les habitants ont eu, de tout temps, la faculté d’y faire paître leurs bestiaux et d’y couper de la brougue ; pour cet usage, ils payent aux fermiers, tous les ans, un franc d’or et une livre de poivre, le tout évalué à 48 sols.

Banalité. – Il y a à Daumazan un four banal, où tous les habitants sont tenus de venir faire cuire leur pain et de payer pour la coction de chaque setier de blé, ou pain en provenant, deux petits pains qui peuvent valoir 3 ou 4 sols. Ceux qui résident dans les métairies ou au masage de Barraqua, payent au comte de Rabat ou à Mr de Viviès ou à leurs fermiers, ce qui est convenu entre les habitants et les fermiers, eu égard au nombre des personnes des familles et de leur commodité. Plus de la moitié du revenu de ce four appartient au comte de Rabat et à Mr de Viviès ; le reste est à la communauté, et elle doit faire servir le four, donner la place, le réparer et fournir le bois nécessaire pour le chauffage. Les réparations sont considérables et les coseigneurs n’y contribuent pas. Le revenu de la communauté peut être évalué annuellement 40 ou 50 écus environ. Dans la juridiction, il y a deux moulins fariniers sur la rivière de l’Arise, l’un touchant les murs de la ville, l’autre dit de Lacanal ; le roi ou ses fermiers ont un quart de chaque moulin. La communauté possède la quatrième partie des moulins, et les deux quarts ou l’autre moitié appartiennent au seigneur de Roquefort. Le revenu de la communauté est, par an, de 100 à 120 livres environ, qui ne suffit pas pour l’entretien des moulins et des paissières (8) qui sont considérables et de très grands frais. Ces moulins ne sont pas banaux, et les habitants de la ville et de la juridiction peuvent aller moudre leur grain où bon leur semble. Le droit de mouture se prend à raison de trente deux boisseaux, un ; selon l’ancien usage.

Leude. Bannage. – Le péage ou leude de la ville appartient au roi et au coseigneur, savoir : trois parties, les cinq faisant le tout, au roi, et les deux autres au coseigneur ; ce droit est affermé en tout 25 livres. Les jours de foire seulement, les consuls les consuls font payer le droit de bannage ou taulage des marchandises qui sont exposées en vente dans la ville. Ce droit doit valoir pour toutes les foires 50à 60 sols, lequel n’est pas suffisant pour faire les réparations aux bancs, tables, étans et aux mesures bladières qui sont sous le couvert de la place.

Pontanage. – Il y a deux ponts, l’un sur l’Arise, l’autre sur la ruisseau qui vient de Montbrun à Daumazan (9) et touchant les murailles de la ville. Ils sont très coûteux pour la communauté, à cause des inondations fréquentes de l’Arise et du ruisseau. On n’a jamais prélevé de droit sur ces ponts.

Gentilshommes. Biens de mainmorte. – Il y a dans la juridiction quelques biens nobles, possédés par le seigneur de Roquefort, mais dont les consuls ignorent la contenance.

Censives et oublies. Fouage. – Les consuls disent avoir ouï dire que la censive se payait au roi et au coseigneur à raison de 1 denier toulza pour chaque maison et autant pour chaque seterée de terre comtale, qui est de douze mesures du pays (10). Le droit de fouage se paye au roi ou à son trésorier de sept en sept ans.

Poids et mesures. – On ne se sert pas d’arpent, mais bien de seterée, laquelle contient huit mesures, chaque mesure, quatre boisseaux. La canne est composée de huit pans ; et pour la mesure de vin, la pipe contient douze barrals ; le barral, dix huit pots ; le pot, quatre ucheaux. Le poids à peser est d’une livre ; la livre, de quatre quarts ; toute la livre, de seize onces. Le quintal est de cent six livres.

Foires et marchés. – Il y a à Daumazan un marché le jeudi de chaque semaine et quatre foires par an : le jour de Saint Barthélémy, de Saint André, la chaire de Saint Pierre et le mardi après Pâques.(11)

Les habitants de la ville et de la juridiction ont, de temps immémorial, la faculté de chasser, pêcher ; d’avoir des pigeonniers, garennes et viviers.

Secrétaire. – Les consuls et les membres du conseil politique nomment un secrétaire pour écrire leurs délibérations ; ils lui donnent annuellement la somme de 9 livres.

Garde. – Les habitants doivent garder la ville en temps de guerre.

Portes. – Les consuls commettent des portiers pour ouvrir et fermer les portes de la ville ; chacun d’eux reçoit, par an, la somme de 40 sols.

Maison de ville. – La communauté possède une maison de ville qui n’est d’aucun revenu. Elle est en très mauvais état à la suite d’un incendie, et sert pour les assemblées du conseil politique et pour l’école de la jeunesse. Au dessous est la maison-Dieu ou hôpital, et, à côté, le four banal.

Les consuls, pour le bien de la police, font ce qu’ils peuvent pour ne laisser mesurer aucune espèce de grain, les jours de foires et de marchés, avant dix heures.

(1) Daumazan est une commune de 1160 habitants, canton du Mas d’Azil, arrondissement de Pamiers. – Les armes de la ville sont : d’or, au chevron abaissé de gueules.

(2) Cette rivière, dont le cours est de 75 kilomètres, prend sa source dans les montagnes du Cap-Long au sud d’Esplas et de Sentenac de Sérou. Elle baigne Labastide-de-Sérou, le Mas d’Azil où elle traverse la célèbre grotte de ce nom ; Sabarat, les Bordes, Campagne, Daumazan, Labastide-de-Besplas ; puis elle entre dans la Haute-Garonne où elle passe à Montesquieu-Volvestre et à Rieux, et va se jeter dans la Garonne entre Salles et Carbonne.

(3) On distinguait deux sortes de franc-alleu :
→ Le franc-alleu noble : c’est celui qui avait justice, fief ou censive.
→ Le franc-alleu roturier n’avait aucune de ces qualités ; il était seulement exempt de toute redevance.

(4) Ce hameau se trouve à l’extrémité nord-ouest de la commune de Daumazan.

(5) L’abbé prélevait à Daumazan 7 sols, 6 deniers d’oblies ; ce droit, du reste, lui était contesté

(6) Par prévention, c’est-à-dire de préférence.

(7) Le mot brougue, en patois, signifie bruyère. – Il existe deux métairies du nom de LaPlagne, dans la commune et à l’ouest de Daumazan.

(8) de paxeria, chaussée.

(9) Le troisième pont, dit d’Aguilhon, a été construit beaucoup plus tard, au XIXème siècle.

(10) La seterée comtale devait être d’un tiers plus étendue que la seterée ordinaire qui comprenait huit mesures.

(11) Les foires sont aujourd’hui : les 10 janvier, jeudi gras, jeudi avant la passion, lundi de Quasimodo, 12 mai, 2 juin, 15 juillet, 25 août, 12 et 28 septembre, 25 octobre et 1er décembre.