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La charte communale

La charte communale de Daumazan date de 1249

Avant de citer des extraits de cette charte, disons que Daumazan et le pays dalmazanais ont, au cours des XIIème et XIIIème siècles, et au gré des alliances et humeurs guerrières des seigneurs, changé de suzerain, passant de la maison de Foix, à Arnaud de Comminges, lequel fit hommage de la ville et du pays de Dalmazan à Raymond VII de Toulouse (31-12-1244) pour revenir définitivement au comte de Foix.

Le XIIIème siècle est, pour tout le pays, celui du déclin des féodaux au profit de l’affermissement de la royauté. Louis IX règne sur la France et sa mère, Blanche de Castille, a vaincu une révolte des seigneurs : il a intérêt à favoriser le mouvement de libération des communes. Celui ci se développe partout.

Chez nous, en Occitanie, terre de liberté, l’épopée cathare est encore proche. Montségur est détruit après un long siège en 1244 et les martyrs du « Prat dels cramats », morts pour leur foi et leur liberté, sont encore vivants pour nos ancêtres, pas encore entrés dans la légende.

Un désir profond de liberté, un besoin de dignité, une volonté de s’affirmer en tant qu’être humain chemine dans le coeur des hommes de cette époque. Cela se traduit, notamment par le mouvement communal qui aboutit à doter de nombreuses villes et villages de chartes.

Celle de Daumazan est un ensemble de décisions qui codifient les us et coutumes des habitants de Dalmaza entre eux et vis à vis de leurs seigneurs. Elles ont trait à tout ce qui peut intervenir dans la vie de tous les jours : disputes, vols, injures, coups, calomnies, vente de biens, héritages, procès, etc ...Elles fixent les peines ou les amendes en cas de délits. Elle a été octroyé au mois de mars 1249, régnant le seigneur Louis IX, roi des français, Alphonse, comte de Tholose, Rende, évêque. Sont témoins de cette charte : Pierre de Bruyelle et Raymond de Lézat, prêtres ; Fayolle de Sers, de Fornets ; H. de Villeaneuve ; soldats Guyato et Pierre Dizarn, diacres ; S.B., notaire de Montbrun et Pierre Meutrins, tabellion public de Dalmaza qui l’a écrite.

Sur les moeurs du village, citons les passages suivants :

« Si aucun (quelqu’un) fait à une autre une plaie profonde, il paiera 30 sols, et si la plaie n’est pas profonde, il paiera 5 sols et fera amende honorable à celui contre qui il a fait la plaie. »

« Si aucun nouvel habitant veut venir s’installer, il faut qu’il soit exempt de maladie et qu’il ait l’autorisation des consuls et donnera 20 deniers de justice. »

« Quoique chacun ait le droit de vendre son vin et son blé à sa volonté, il ne doit pas y mettre de l’eau pour ne pas en augmenter la quantité. Si c’est constaté, ce vin sera confisqué ou bien il donnera au seigneur 2 sols de justice. »

« Si aucun vendeur ou acheteur de sel se servant d’une mesure infidèle vient en ville et s’il est attrapé, il donnera 2 sols et 6 deniers de justice. »

« Tout homme dans la ville peut épouser toute personne dans la ville à moins qu’il y ait un homme mort et qu’il lui tienne de près. »

« Toute personne qui viendra au marché sera sûre du mercredi au vendredi à la nuit, à l’aller et au retour, pour toutes ses choses (ses biens). »

« Si un habitant de Dalmaza éprouve un dommage, que ce dommage lui soit réparé et que les consuls en connaissent et prennent sur les biens de celui qui commet le dommage. »

« Les habitants du Mas donneront à nous de chaque porc et de chaque truie qui viendront, un denier, de chaque boeuf et de chaque vache 3 mesuilhas, et si on les sale on ne donnera rien. »

Peut - être est - ce un début de protection de la femme ?

Les légistes ont voulu également moraliser les moeurs, Aussi peut – on lire :

« Si, aucune personne appelle une femme putain et qu’elle ne puisse le prouver, elle paiera 2 sols et 6 deniers, de même que pour d’autres injures mensongères. »

« Si aucun qui soit sous notre pouvoir force aucune femme ou lui donne un mari convenable et si cela ne peut se faire ou s’il ne veut pas le faire, il sera corrigé par le seigneur qui lui appliquera une amende à la connaissance des consuls. »

« Si aucun homme marié ou des hommes mariés auraient été pris avec des femmes ou une épouse d’un autre, avec des témoins, ils seront promenés nus dans la grande place et d’une porte de la ville à l’autre pendant le jour et seront battus et donneront 30 sols de justice. La même peine sera appliquée à la femme mariée ou non qui sera trouvée avec le mari ou l’époux d’une autre. »

L’appareil de justice semble important. Nos ancêtres devaient être procéduriers et aimer la chicane ! Leurs différents étaient soumis aux prud’hommes, aux consuls, aux bayles des seigneurs ou aux seigneurs eux – mêmes. Il y avait aussi des avocats, des tabellions et des notaires à Dalmaza et à Montbrun.

Voici quelques passages relatifs à ce code de justice :

• « Dans tous les procès, celui qui se querellera et voudra plaider est tenu de donner assignation à son adversaire dans les quinze jours, lequel y répondra et si l’une des parties ne pouvait point avoir de défenseur, le seigneur ou les consuls sont tenus à lui en donner un. »

• « Aucune personne ne sera accusée par nous, sans cri manifeste de crime et s’il avait commis ce crime et si la chose fut connue des consuls et des prud’hommes de la ville, nous nous conformerons aux coutumes et aux formes de justice formelle. »

• « Nous n’emploierons aucune justice contre aucun habitant de la ville sans motifs suffisants ou plainte suffisante reçue par nous ou notre bayle. »

• Le seigneur qui octroie la charte dit - et ceci doit être très nouveau - que « si le procès était entre notre fille et un habitant de la ville, les consuls feront comme si le procès était entre deux habitants de la ville et feront justice comme pour les autres. »

Au sujet de l’héritage, nous lisons :

« Si quelqu’un meurt sans tester, ses biens seront gardés au pouvoir des prud’hommes et si des parents surviennent que leurs biens leur soient livrés ainsi que les choses du mort et s’ils ne sont pas venus, que les biens soient livrés au seigneur. »

A la fin de la charte, il est précisé que « si quelque cas n’est pas prévu par cette charte, les consuls et les prud’hommes en connaîtront. » Il est dit aussi, avant les signatures des seigneurs et des témoins qui ont établi la charte, que « Les Serres de Gamas, la case des Bordes, Corbo et Fayolle sont dans les termes (limites) », c’est à dire sous la juridiction de la charte.

Lucette Carbonne