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A propos des Plagnes

Il nous a paru intéressant de rechercher dans les documents dont nous disposons (notes de l’abbé Blazy, recueil des baux emphytéotiques, diverses délibérations de conseils municipaux) l’histoire de ce terrain communal des Plagnes qui a été concédé à bail emphytéotique (c’est-à-dire de longue durée – 99 ans – pour ce qui concerne la commune de Daumazan) à de nombreuses familles daumazanaises en l’an XII de la République française au mois de fructidor (août 1804).

Les Plagnes sont citées dans un mémoire concernant Daumazan et rédigé en juillet 1790, à la demande de l’administration du district de Mirepoix qui enquêtait sur l’état des localités au début de la Révolution. Au chapitre des biens communaux, on peut lire que « le territoire de la Plagne est un bien communal de possession immémoriale ». (1) Il est précisé par les auteurs du mémoire que « les terres n’attendent que d’être entrouvertes par le soc de la charrue pour produire des moissons ».
L’année 1790 est une année « disetteuse » et « de défaut de travail » et on députe à Rieux le maire Garrigues pour demander à l’évêque l’aumône qu’il accordait aux pauvres et le prier de la « proportionner à leurs besoins ».
Dans les années qui suivent, nous pouvons supposer que, lassés d’attendre une distribution de ces terres que le changement de régime leur laissait légitimement espérer, les paysans ont forcé la main aux autorités et se sont délibérément emparés de ces terres pour les cultiver car les temps étaient durs pour eux. Dans ce même mémoire, il est dit que « l’agriculteur, ou n’a été jusqu’ici que le fermier du prince, ou il s’est vu forcer d’abandonner la culture de ses terres, faute de ne pouvoir en payer les charges. »
Cette hypothèse se vérifie dans une lettre du 15 nivôse an IX de la République ( 5 janvier 1801) adressée par le président de la municipalité au sous préfet. Il est mentionné : « Depuis longtemps et avant notre installation (c’est-à-dire de la nouvelle municipalité) la majeure partie des habitants se sont permis de s’emparer des communaux appelés Plagnes de contenance d’environ 500 sétérées (2). Malgré les défenses réitérées, rien ne les a arrêtés. En ce moment, ils font plus. Non contents d’aller par eux-mêmes défricher, certains particuliers y envoient de 5 à 6 paires de bœufs. On dénonce le délit défendu par les lois afin que l’administration prît les mesures convenables contre les délinquants. Ceux-ci se sont jactés (vantés) que, si on les empêchait, notre vie courrait le plus grand danger ».
Et, le 29 ventôse an X (20 mars 1802), la mairie adresse au sous préfet le tableau des « usurpations » commises sur les propriétés communales.
Nos agriculteurs, menaçant en quelque sorte les autorités de jacquerie, ont donc continué à labourer et ensemencer ces terres jusqu ‘au jour où le gouvernement de la République régularise la situation, autorisant par un arrêté qui porte la date du 23 germinal an XII (mars 1804) le maire de Daumazan, Jean Pierre Bernaduque, à concéder à bail emphytéotique le terrain communal de La Plagne et de Sarraute de la contenance de 6251 ares.
Ces baux, accordés pour une période de 99 ans, ont été renouvelés au mois de juillet 1904 par arrêté municipal, M. Sans Leroy étant maire de Daumazan. Dans un désir d’équité, les terres ont été classées en trois catégories, selon leur qualité et leur plus ou moins grand éloignement de la commune :

  • 1ère catégorie : 25 Francs l’hectare
  • 2ème catégorie : 30 Francs l’hectare
  • 3ème catégorie:35 Francs l’hectare

Ces baux viendront à expiration en juillet 2003. Que sera alors le plateau conquis de haute lutte par des paysans en colère ? Souhaitons ardemment qu’il ne retourne pas à l’état de friche. (3)

Lucette Carbonne

(1) - Les Plagnes auraient été données à la commune de Dalmaza par une noble dame, sous le règne de Henri III (fin du 16ème siècle). Ce renseignement a été retrouvé à Pau par un technicien du pétrole qui en a fait part à un daumazanais. Cela paraît plausible puisque le comté de Foix a appartenu au royaume de Navarre. Il pourrait même s’agir de Jeanne d’Albret, la mère de Henri IV.

(2) – la sétérée ou en occitan sesterado était une mesure agraire de surface d’avant la Révolution utilisée encore à la fin du 19ème siècle. Elle a varié suivant les époques et les régions. Lors du relevé du plan géométrique de la Plagne en 1817, la sétérée dont on s’est servi était égale à 62 ares. Dans un passé plus récent, elle équivalait à 50 ares dans notre région. Elle était également définie par la surface que l’on pouvait ensemencer avec un sac de blé de huit mesures.

(3) – Ces terrains ont été récupérés par la municipalité, Michel Dapot étant maire. Une partie a été vendue, la partie la plus importante a été louée à des agriculteurs et une partie a été aménagée en zone artisanale.