Cette célébration demandée par le Préfet avait lieu en l’honneur de Louis Napoléon Bonaparte, élu président de la 2ème république en décembre 1848, après la révolution qui renversa Louis Philippe, roi des français. Et, selon la proclamation du conseil précédant le récit de cette journée, on peut penser que nos ancêtres daumazanais avaient encore en 1852 beaucoup d’illusions sur celui qui allait devenir Napoléon III. Il est vrai que l’information ne circulait pas très bien à cette époque et que beaucoup ignoraient les visées dominatrices du futur empereur. Aussi est – il rétrospectivement amusant de lire le récit de la célébration de la fête nationale( républicaine) du 11 janvier 1852.( Le 14 juillet n’était pas encore fête nationale. Il ne l’est devenu qu’en juillet 1880.)
C’est en termes emphatiques et idolâtres que le conseil acclame le président à l’issue d’un Te Deum qui vient d’être chanté à l’église.
« Gloire et bonheur au sauveur de la civilisation universelle !
« Gloire et bonheur au nouveau délégué du ciel, vainqueur des anges des ténèbres,
« Anathème à ses ennemis ! Qu’il vive longtemps et qu’il règne sur nous selon les décrets de Dieu ».
Ce petit « chef d’oeuvre » est signé MM. Guilhamotte, Bernaduque, de Pac de Marsoulie, Vaigny( maire), Vidal, Sans.
Le récit de la journée suit cette ardente proclamation. En voici le texte :
« L’an 1852, et le 11ème jour du mois de janvier, nous, maire de Daumazan, nous conformant à la circulaire de M. le Préfet du 7 de ce mois nous sommes empressés de ne rien négliger pour donner à la fête nationale de ce jour tout l’éclat possible que la localité comporte.
« Après nous être concertés avec M. le curé, cette fête fut annoncée par toutes les cloches à la grande volée qui a duré plus d’une heure. Le soir à 6h. il en fut de même ainsi que le matin à l’aurore et à la suite de la première messe une distribution de pains fut faite aux indigents. A 2h.et demie de relevée, le conseil municipal en corps, le premier suppléant de la justice de paix du canton, membre du dit conseil, les membres du bureau de bienfaisance, le percepteur, l’instituteur communal et les officiers ministériels se sont réunis à nous et à notre adjoint revêtus de nos écharpes, à l’Hôtel de Ville, pour se rendre à l’église paroissiale où un Te Deum d’action de grâces devait être chanté à l’issue des vêpres.
« Le cortège partit de la mairie à 3h00 précises, accompagné de la Garde Nationale drapeau déployé. Arrivés au saint lieu, les divers fonctionnaires prirent place aux endroits qu’on leur avait assignés. A la fin de l’office, le Te Deum fut chanté en grand choeur ainsi que le verset Domine salvum fac republicam ludovicum napoleonem ( oh, maître, fait que Napoléon soit le sauveur de la République) répété pendant trois fois, et cette cérémonie fut terminée par la bénédiction de très saint sacrement et avec l’assistance d’un grand nombre de fidèles bien recueillis qui garnissaient toute la nef assez vaste de l’église, les chapelles et la tribune qui contiennent plus de 300 personnes. Ensuite, le cortège est rentré à la mairie où une acclamation du Conseil Municipal au prince Louis – Napoléon, président de la République, fut proclamée par nous à un public de plus de 1200 âmes et en présence de la Garde Nationale et cette acclamation fut accueillie par des cris mille fois répétés de « Vive Louis Napoléon » ;
« Le soir, vers les 6h.00, toutes les fenêtres des maisons qui donnent sur toutes les rues et carrefours de la ville furent illuminés, ainsi que l’Hôtel de Ville, le presbytère et les deux tours du clocher.
« Vers les 7h.00, un feu de joie a eu lieu au son de toutes les cloches. A la première lueur de ce feu, un coup de canon fut tiré du clocher lequel fut suivi de plusieurs décharges par la Garde Nationale. Avant de se séparer, les autorités et la Garde Nationale parcoururent toutes les rues de la ville aux cris de « Vive Louis Napoléon, sauveur de la France », acclamations répétées par tous les habitants qui garnissaient toutes les fenêtres de leurs maisons. Une distribution d’argent fut faite à la Garde Nationale et destinée à un repas qui eut lieu à 8h.00.
« Cette fête s’est célébrée à Daumazan avec la plus grande joie et avec le plus grand enthousiasme. Nous osons avancer, sans crainte de nous tromper qu’une commune de 1450 habitants comme Daumazan s’est surpassée en pareille circonstance ».
Cette fête en l’honneur du président de la République – qui venait d’être plébiscité – se passait donc le 11 janvier 1852. Le 2 décembre de la même année, le prince – président « sauveur de la République » se faisait proclamer empereur des français et inaugurait ce que l’on a appelé « l’empire autoritaire » où à peu près toutes les libertés furent supprimées !!!