Au siècle dernier, Daumazan possédait un canon.
Oh, n’allez pas imaginer une grosse pièce d’artillerie tirant des boulets. Non, c’était un petit engin qui devait peser tout de même dans les 40 kgs, une sorte de gros tube métallique foré en son centre, probablement une petit bombarde que l’on avait la fâcheuse habitude de monter au clocher et, de là haut, tirer des coups pour annoncer l’ouverture des festivités.
Le 10 septembre 1861, lors d’une séance du Conseil Municipal, un conseiller, M. Dernis, se plaint de ce que l’on ait tiré 8 coups de canon en haut du clocher, contrairement à l’usage de n’en tirer que deux, ce qui a occasionné des dommages au clocher et aux maisons voisines. Après en avoir délibéré, le Conseil Municipal décide sagement que le canon ne serait plus tiré qu’au milieu de l’esplanade du Champ de Mars.
Le 23 février 1862, l’affaire revient au Conseil Municipal, car il y eut récidive à l’occasion d’une fête où, ne tenant pas compte de la décision du Conseil, huit coups furent encore tirés du haut du clocher. Des reproches sont faits au maire. Apparemment, ce dernier, M. Vaigny ( vieille famille de Daumazan qui habitait l’actuelle maison de la boulangerie Loubet) ne l’entendait pas de cette oreille( c’est le cas de le dire !). Et il opposa de façon péremptoire au Conseil que « l’Administration des biens communaux lui appartenait, que le canon tirait depuis 80 ans et que, fit – il tomber le clocher( oh !!!) cela n’entrait point dans les attributions ». Rompez …
Cela se passait à l’époque où le Second Empire n’était pas encore dit « libéral » et ce brave M. Vaigny devait se prendre pour le Napoléon du village. Il est vrai qu’en ce temps, le Maire et l’adjoint étaient nommés par le Préfet qui représentait l’empereur. L’arrêté qui les nommait commençait par les mots, AU NOM DE L’EMPEREUR… écrits en majuscules énormes. Et, pour mémoire, il faut rappeler que les conseillers étaient élus au suffrage censitaire, c’est à dire que seuls ceux qui payaient l’impôt votaient. Mais si la loi ne connaissait pas encore la démocratie, nos Conseillers, eux, entendaient bien se servir de tous leurs droits et ils opposèrent au Maire un avis du Conseil d’Etat de 6 nivôse 1813 aux termes duquel « les églises et les clochers doivent être considérés comme propriété communale » et une loi municipale de juillet 1835 qui porte que « les Conseils Municipaux règlent le mode d’administration des biens communaux ». Et ils se déclarèrent compétents dans cette affaire du canon communal.
De plus, pour étayer leur thèse, ils contèrent au cours de ce même Conseil de février 1862 l’histoire du petit canon municipal : « Avant 1820, la commune n’avait qu’un petit fauconneau et rien n’établit qu’il fut tiré dans l’édifice du clocher de l’église. Mais qu’à ladite époque, on ne sait par quelle fantaisie, M. le curé Audoubert échangea ledit fauconneau contre le canon actuel cinq ou six fois plus fort( pièces de 4) , que le tir de ce canon à diverses reprises a fait tomber de grosses pierres du clocher qui auraient pu occasionner les plus grands malheurs et qu’il a cassé des vitres aux maisons voisines. » Pour tous ces motifs, le Conseil dit « que le canon ne sera plus tiré du haut du clocher pour cause quelconque, qu’il sera tiré lors des fêtes publiques seulement sur l’esplanade du Champ de Mars. »
Le Maire s’inclina, l’incident fut clos et le canon continua, mais du Champ de Mars, à ponctuer l’ouverture des diverses fêtes. Il le faisait encore dans les années 1920 où un jeune imprudent, Adrien Ribat, se penchant vers son orifice, reçut en plein visage, une décharge de poudre qui manqua bien l’aveugler. Heureusement, après quelques semaines d’hôpital, il revint au village tout à fait rétabli.
Le canon a disparu, oublié probablement dans un coin perdu….