nous Jean Guilhamote, adjoint au maire de Daumazan, en son absence, avons procédé au procès verbal d’une inondation inouïe dans nos fastes
( vieux mot qui évoquait l’ensemble des évènements mémorables conservés dans l’histoire du pays), arrivée ce jourd’hui, de la manière suivante,
Vers 2 heures de l’après midi, un orage s’est formé à la hauteur de Camarade. La nuée d’abord légèrement rembrunie, s’est allongée à travers le tonnerre et les éclairs sur l’horizon de Daumazan. Le vent d’autan ou de l’est a refoulé l’orage vers la forêt de Montbrun. Cela a fait qu’il a peu plu à Daumazan. Cependant un bruit perpétuel se faisait entendre à travers les éclairs qui sillonnaient l’horizon de Montbrun. Quelle a été notre surprise lorsque vers 4h.00 et dans la rapidité de 8 à 10 minutes, une colonne d’eau s’amoncelant dans le ruisseau de Montbrun, a inondé d’une manière épouvantable la ville de Daumazan et toute la plaine qui l’environne !
Heureusement que la rivière d’Arize s’est trouvée basse : si elle avait été à la hauteur proportionnelle du torrent de Montbrun, c’en était fait de Daumazan. Les maisons les plus élevées de la ville ont été inondées à hauteur de 2 mètres, celles qui se trouvaient près du torrent l’ont été jusqu’aux fenêtres. Le pont du ruisseau sur lequel l’eau passait à la hauteur de trois mètres a été extrêmement dégradé. Cependant les pièces maîtresses ont résisté. Une immense excavation a été faite sur la promenade du Bastion.
Le jardin du presbytère éloigné de 300 mètres du lit principal du torrent, a eu le tiers de ses murs renversés, cinquante ruches à miel qui se trouvaient dans son enceinte ont été noyées, emportées. Le limon a enterré toutes les récoltes de la plaine. Tous les jardins ont été dévastés. Plusieurs particuliers ont souffert le plus grand dommage. Le sieur Resséjac, fabricant de chandelles, a eu son magasin et tout ce qui s’y trouvait dedans emporté par la force des eaux. Le sieur Dehoye( Marrot), déjà malheureux sous d’autres rapports, a eu sa grange emportée, un magasin de chapeaux et tout ce qui s’y trouvait dedans anéanti.
Les murailles du jardin de M. Vignes, bien que hautes de trois mètres et de la plus grande solidité ont été renversées. Son jardin n’est plus qu’un gravier. Cent autres jardins sont dans le même état. Tous les habitants qui avaient des marchandises ou du vin au rez de chaussée ont souffert de dommages incalculables. Plusieurs animaux ont été submergés par les eaux. Demain, la baisse absolue des eaux découvrira de nouveaux désastres. Il serait trop d’énumérer toutes les pertes, Jamais, Daumazan n’avait éprouvé un si grand effroi. Heureusement qu’il est arrivé pendant le jour .
Heureusement qu’il n’y a eu personne de détruit.
L’autorité a fait tout ce qui était possible pour maintenir l’ordre et porter secours. Demain, elle fera enlever le limon empesté qui couvre toutes les rues et vider l’église de l’eau qu’elle renferme.
A Daumazan, à l’Hôtel de Ville, le 29 mai 1826 à 6 heures du soir.
Pour le marquis de Sers, absent, Guilhamote Jean, adjoint.