Le « petit train » reliait Carbonne au Mas d’Azil et cheminait sur la grande route traversant le village 4 fois par jour. Il a rythmé la vie du village pendant une trentaine d’années.
A la diligence qui menait les voyageurs jusqu’à Carbonne avait succédé en 1907 une liaison par train Carbonne – Montesquieu.
Le tronçon Montesquieu – Le Mas d’Azil fut inauguré le 1er août 1911. Pour ce qui est de ce premier passage du train à Daumazan, nous avons l’incroyable chance d’avoir un témoignage de cet événement qui a gardé toute sa fraîcheur. Il s’agit d’une lettre écrite le 1er août
1911 par Catherine Bentajou à son fils, Pierre, en poste à Paris. Voilà donc ce reportage pris sur le vif.
« Enfin, nous le tenons ! Quoi, vas – tu dire ? Eh, le train. Le noir cheval sans pattes est passé majestueusement pour la première fois ce matin à 5h31 traînant derrière lui sept ou huit wagons flambant neufs. On a voulu étrenner la nouvelle voiture et les voyageurs, pour la foire des Bordes, se sont donné le luxe du train. Emilien, Gaston, Clothilde, Marinette étaient bien aises de nous faire bonjour de la portière et tant d’autres qui nous ont bombardé de saluts… Toute la ville s ‘est transportée au Dôme à tous les passages du train. Ainsi, ce soir, on aurait pu se méprendre et croire à une gare Saint Lazare tant il y avait de badauds. Encore quelques jours, l’empressement sera grand et puis tout reprendra le cours normal. »
Nous savons aussi par cette même lettre qu’un terrible accident – la mort d’un cheminot ayant glissé sous les roues du train à Rieux – a endeuillé cette journée inaugurale.
Le « petit train » tirant ses wagons vert olive était donc devenu partie intégrante de la vie du village. Il fallait le voir traverser fièrement Daumazan, saluant joyeusement les villageois par des coups de sifflets successifs, faisant fuir devant lui les volatiles qui, à l’époque, envahissaient la route. Quelques poules y ont laissé la vie. Et les couvées de canards remontant paisiblement de la rivière s’enfuyaient toutes ailes déployées. Des cochons égarés sur la voie ferrée couraient vite sur les quais se mettre à l’abri du monstre. Quelques polissons … et polissonnes s’accrochaient dès le départ de la gare à la dernière voiture ou sautaient sur un marche - pied voyageant gratis jusqu’à l’arrêt de la Guinguette. De bonnes fessées terminaient souvent l’aventure…
L’hiver, par temps froid, la machine patinait sur les rails givrés dans la traversée de Daumazan. Alors, le petit train reculait jusqu’au Dôme, reprenait son élan une fois, deux fois et crachant, et soufflant, montait victorieusement jusqu’au pont. Parfois, les passagers étaient même obligés de descendre pour alléger le poids de la machine.
Les jours de fête, on allait, musique en tête, jusqu’à la gare accueillir les invités. Pour ceux qui habitaient hors de Daumazan, c’était à la fois le train du bonheur qui les ramenait au pays, et celui de la tristesse, lorsque les vacances terminées, famille et amis les escortaient jusqu’à la gare. Penchés à la portière, ils saluaient les camarades qui, montés sur leurs vélos, accompagnaient le petit train grimpant poussivement la côte de la Gravette. Les yeux s’embuaient quand on ne percevait plus l’élégance du clocher. Etait – ce les escarbilles de la locomotive ou la tristesse du départ ?
Le « petit train » est mort en 1938. Des cars, plus pratiques, mais beaucoup moins pittoresques l’ont tué. Les enfants de l’époque en garderont toujours un souvenir ému.